Au musée du Louvre, dans le Corridor de Valence, se trouve une pièce de collection assez unique en son genre : l’échiquier de saint Louis. Taillé dans du cristal de roche et du quartz enfumé, enserré dans un fin ouvrage d’argent, on rapporte que cette petite merveille d’orfèvrerie appartint au roi capétien… mais n’en croyez rien !
Si les indices historiques montrent que la pièce date probablement du XVe siècle, le simple fait de rattacher cet échiquier à saint Louis est presque une provocation. Car le très pieux roi de France du XIIIe siècle avait en sainte horreur la pratique des échecs. En 1254, il en interdit même l’usage dans sa Grande ordonnance de 1254, conspuant ce « jeu de mauvaise réputation coupable de troubler la moralité publique ». Cette interdiction venait en fait compléter une autre condamnation, celle prononcée par le concile de Paris en 1212. Saint Louis s’en prenait donc au jeu principalement parce qu’à son époque il était souvent joué avec des dés, et qu’en tant que « jeu de hasard », le joueur d’échecs défiait la Providence divine.
Dans sa Vie, le Sieur de Joinville raconte qu’en route pour Tunis (et son funeste destin), le saint roi Louis fut pris de fureur en voyant son frère, Charles d’Anjou, jouer aux échecs sur le pont de sa nef. Il saisit l’échiquier et le jeta par dessus bord. Mode venue d’Orient — on situe souvent la naissance des échecs dans la Perse antique — elle irritait forcément le tempérament austère du roi justicier. Car jouer avec des rois, jusqu’à l’échec de celui-ci, n’était ce pas déjà remettre en cause l’autorité dont lui était le dépositaire ? Enfin, Louis IX avait une autre raison légitime de honnir le jeu : à son époque, les parties d’échecs provoquaient souvent de véritables bagarres, les mauvais perdants ayant la fâcheuse tendance à fracasser le plateau sur la tête de leur adversaire !
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